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10/02/2014

Jeux Olympiques de SOTCHI 2014 et RIO 2016 : « les jeux sont faits » ?

1 pwc.jpgAssez classiquement les économistes qui s’intéressent au sport utilisent des modèles économétriques pour vérifier l'existence de relations entre divers phénomènes socio-économiques et l’efficience des systèmes de performance olympique. L'objectif étant de faire une prédiction sur quelque chose qui ne peut pas être directement influencé. Dan Johnson qui a particulièrement travaillé ce domaine propose un modèle économétrique qui montre pour les jeux d'été de 2012 une corrélation de 96 % entre la prédiction permise par le modèle mathématique et le nombre effectif de médailles obtenues par les différentes nations. Par exemple, pour la France en 2012 la prévision économétrique de  médailles d’or était de 11,1268 et une prévision pour le total des médailles de 37,2346 pour effectivement 11 médailles d’or et 34 médailles au total. Les analystes de Goldman Sachs utilisent des modèles économétriques pour prévoir le nombre de médailles, pays par pays, en fonction des performances olympiques précédentes, de la croissance économique, et montrent - sans surprise - une corrélation positive avec le succès olympique. De même pour les JO d’hiver de Sotchi, le cabinet d’audit et de conseil PricewaterhouseCoopers prévoit que la France pourrait se classer 10 ème, avec 9 médailles (les prévisions de la fédération de ski sont de 15 médailles) et remporterait ainsi deux médailles de moins qu’aux Jeux Olympiques d’hiver de Vancouver 2010. Alors que le site The Wire prévoit 13 médailles pour la France … le tableau virtuel d'Infostrada - Pour voir en temps réel une cartographie des résultats effectifs ce site 

En dehors des questions toujours redoutables concernant la prévision de résultats sportifs, nous souhaitons attirer la réflexion sur les paramètres structurels qu’utilisent ces modèles et qui sont susceptibles - évidemment d’un point de vue macro - d’indexer l’efficience sportive. Un premier constat est à faire : le classement des pays à partir de leurs résultats/médailles répond plus de la loi de Pareto que de la répartition gaussienne dite « loi normale » (qui correspond au comportement d'une suite d'expériences aléatoires similaires et indépendantes et lorsque le nombre de celles-ci est très élevé). Par exemple pour les JO de 2012, les 20 premières nations (des USA à la Corée du nord) ont obtenues 683 médailles sur les 936 possibles soit 75% - les 80 suivants (du Brésil à la Guinée équatoriale) ont gagné 231 médailles sur les 936 possibles, soit 25%.  Rien de strictement aléatoire dans cette vision macroscopique mais des éléments structurants sur lesquels les Directions Techniques Nationales  peuvent travailler.

2 the wire.jpgDans la durée, comme de nombreux travaux (Mesuring and predicting success,  Simon Shibli 2013 document sur ce site) et le schéma ci-contre issu du site The Wire le montre, les variations des performances des pays sont de « faibles » amplitude et permettent de calculer des courbes de tendance consistant, en s’appuyant sur les performances déjà réalisées à prédire des performances futures. Quels sont les paramètres « structuraux » (i.e. propre à la structure du phénomène étudié) permettant d’élaborer ces modèles économétriques et prédictifs ? Citons : Nombre de médailles disponibles par discipline et quota de sélection possible par pays ; pays hôte ou précédemment hôte des JO ; effectif de l’équipe olympique ; culture sportive et tradition/école des disciplines sportives ; extrapolation à partir des résultats passés ; taille de la population du pays ; niveau de revenu par habitant i.e. le Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant ; organisation du système sportif du pays ;  facteurs spécifiques comme pour les Jeux d’hiver le climat (pour la qualité de la couverture neigeuse), le nombre de stations par habitant (accès plus ou moins aisé aux équipements) ... et des coefficients de pondération résultants de l’expérience économétrique des auteurs

3 pib sotchi.pngUn effet structurel spécifique pour les jeux d’hiver ? Cette visualisation montre que les pays ayant un PIB/habitant supérieur à 48 000 $ (i.e. 6.3 % de la population mondiale) fournissent 42.3 % des athlètes présents à Sotchi. Ce qui n’est pas le cas pour les Jeux d’été de Londres 2012 puisque la tranche 25 000 $ - 48 000 $ fournit le plus fort contingent d’athlètes, i.e. 26.1 %. Et de fait, sur les 2.025 athlètes présent à Sotchi, l'Europe qui dans cette visualisation comprend la Russie présente 70% des athlètes. Cette carte indiquant les villes accueillant depuis 1896 les sites olympiques relève de la même logique.

5 money ball.jpgLa tradition scientifique en sciences du sport consiste à avancer des théorisations ad’ hoc constituées et organisées en disciplines,  spécialités, sous spécialités, thématiques, ... de plus en plus nombreuses, chacune s’intéressant à des objets qui lui sont propres, s’appuyant sur des paradigmes qui lui sont spécifiques, et surtout développant une instrumentation qui lui est particulière. Le mouvement « Winning in Sports Through Performance Analysis » (cf. document sur ce site) et  « Sloan sports conference » du MIT incitent à revisiter le travail statistique de l'analyse des données dans la mouvance de ce qu’il est convenu d’appeler les « big » data. La combinaison de grandes quantités de données et du traitement de celles-ci de plus en plus sophistiqué, ouvrent de nouvelles voies pour penser  la performance sportive et ses « déterminants » et ceci n’est pas sans interroger les pratiques en sciences du sport d’élite. Quelques exemples fondateurs : le statisticien renommé Nate Silver a développé PECOTA - acronyme pour « Player Empirical Comparison and Optimization Test Algorithm » - pour de la prévision sabermétrique en direction de la Ligue Majeure de Baseball (USA). Il  prévoit non seulement  les performances d’un joueur de baseball sous diverses statistiques, mais aussi les valeurs marchandes des joueurs. En 2003, l’ouvrage de Michael Lewis « Moneyball : The Art of Winning an Unfair Game » décrit comment les Athletics d'Oakland, une équipe à petit budget dans le championnat, a obtenu pendant des années consécutives de très bons résultats malgré le fait que les joueurs ne soient pas les plus «  réputés » et ceci, en utilisant la puissance de l'analyse des données pour tester/revisiter certains notions communément admises en Baseball (cf. la bande annonce du film tiré de ce livre).

4 spliss.jpgLes indicateurs de la performance des équipes olympiques cités dans la partie précédente laissent à penser que celle-ci s'expliquerait en partie par des paramètres non aléatoires. L’étude Sport Policy factors Leading to International Sporting Success (De Bosscher et all, 2006 - 2013 cf. SPLISS et document sur ce site) présente un modèle théorique des facteurs de politique sportive menant au succès sportif international. Le modèle est utilisé pour effectuer une comparaison internationale des politiques concernant le sport d'élite. Ce schéma analytique comporte 9 « piliers » i.e. une proposition organisée de facteurs contribuant au succès sportif. Citons : Pilier 1 : l’aide financière pour le sport et le sport d'élite - Pilier 2 : La gouvernance, l'organisation et la structure du sport d'élite - Pilier 3 : les possibilités de pratique sportive offertes aux jeunes – Pilier 4 : l’identification et le développement des talents - Pilier 5 : les aides consacrées à la carrière sportive des athlètes et à la transition de carrière/reconversion - Pilier 6 : les équipements et centres de formation des athlètes d’élite - Pilier 7 : la constitution de viviers d'entraîneurs pour le sport d’élite et le développement de leur compétence - Pilier 8 : la participation aux événements sportifs nationaux et internationaux de référence - Pilier 9 : la recherche - développement et l’innovation Scientifique en sport d’élite. Ces éléments structuraux constitutifs d’une organisation sportive visant le sport d’élite sont déclinés/évaluables dans 126 facteurs de succès critiques (Spliss II : Critical success factors that are measured cf. document sur ce site)

Evidemment ces descriptions structurelles – de plus analytique sous forme de boite noire entrée/sortie -  des organisations/systèmes de performance pour intéressantes qu’elles soient,  nous disent bien « de quoi c’est fait » mais nous disent que très peu « ce que cela fait ». Si l’on n’y prend garde, ce type de schématisation incite à un fonctionnement en « silos organisationnels » que l’on observe malheureusement dans la quasi-totalité des organisations sportives et qui sont - sans doute - les raisons principales de leurs difficultés à innover dans leur management. Dans ces écosystèmes hétérogènes multiacteurs, multidimensionnels, à temporalités multiples, non présentiel, … le peu de cohérence entre stratégie, métiers, niveau de structuration des sous-systèmes national/locaux, … les organisations ont de plus en plus de mal à concevoir et à travailler dans/avec la complexité de leurs systèmes d’action. Complexité, intégration et propriétés émergentes issues de ces paramètres qui ne peuvent pas facilement être intelligibles à partir des éléments de « base », les piliers. Rien ne prépare à ce nouveau paradigme qu’est le raisonnement en complexité qui oblige à mettre en relation des savoirs de nature extrêmement différente et à transcender les silos traditionnels d’organisation de la connaissance et de l’action. C’est le pas que – en conscience - ce blog invite à franchir.

17:03 Écrit par Philippe Fleurance | Lien permanent | Commentaires (2) | |

Commentaires

Vraiment très intéressant. Les Directions techniques sans doute, mais surtout le Ministère et la MOP pourraient s'y intéresser.

Écrit par : MAZER | 14/02/2014

Excellente lecture, merci beaucoup ! ! !

Écrit par : site de paris sportifs | 27/05/2014

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