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19/11/2011

Séminaire 8 : Vers un management 2.0 ? La conduite de projet complexe

 1. Ce huitième séminaire achève le cycle de séminaires en présentiel mais pas la formation puisque douze jours de stage et la rédaction d’un mémoire professionnel contribueront à la finalisation de celle-ci. Bien que la formation ait mobilisé des Etudes de Cas à Dimension Multiple (ECADIM) et des modélisations/simulations sous forme de jeu professionnel (serious game - COMMOD), aller sur le « terrain » n’est pas sans poser quelques questions redoutables liées à la mise en avant du terme « terrain » qui de fait, laisse penser trop souvent, que l’on en a fini avec son pendant « théorie » i.e. les outils de l’intelligibilité des situations vécues. Rappelons que cette formation a cherché à contourner l’obstacle « savoirs vs action » en prenant de la distance avec la façon dont l’université encyclopédique découpe ses contenus en « disciplines » - ce qui la conduit à voir les pratiques en contexte comme des sciences appliquées (cf. séminaire 2). Pourquoi s'interroger sur la pertinence des savoirs utiles aux managers ? Doutant des grandes théories génériques du management et des solutions clés en main – et de plus dans le « contexte sport » de la gouvernance partagée - la vision avancée est pragmatique par le fait qu’elle est organisée autour « d’objets - processus » (cf. textes de présentation de la formation TMS) i.e. des situations comme nœuds complexes de l’action professionnelle impliquant dynamiquement l’articulation des activités individuelles (cf. texte modélisation du processus métier comme un système multi-acteurs) et non autour des disciplines et/ou des savoirs disciplinaires à transmettre pour ensuite tenter de les appliquer (i.e. « matters of concerns, » vs « matters of fact » cf. Bruno Latour ci-contre). La conception « rhizome » de la formation dans laquelle l'organisation des séminaires ne suit pas une ligne logique mais où récursivement tout élément peut affecter ou influencer tout autre, traduit notre rejet des catégorisations closes - à priori - sur elles-mêmes. On peut en attendre une suspension et un réexamen des catégories d’analyse habituellement manipulées lors de l’observation des activités de management.   

          Une vision objectiviste souvent trop peu réfléchie par les conceptions de l’alternance, laisse à penser que le « terrain » est un champ d’observation qui se livrerait passivement aux investigations et ce de plus, à partir d’outils préconçus … Pour discuter cette idée, nous avons mis en avant les notions d’auto-organisation et d’autopoïese propre à Humberto Maturana & Francisco Varela qui définissent un système autopoïétique comme un réseau de processus de production de composants qui régénèrent continuellement par leurs transformations et leurs interactions le réseau qui les a produits. En somme, l'organisation donne dynamiquement forme à son environnement en même temps qu'elle est façonnée par lui : nous l’avons appelé « monde propre » dans le séminaire 2. Ce qui fait dire à Michel Berry (cf. rubrique : réflexions pour un mémoire de terrain) « Lorsqu’on arrive sur un terrain, c’est comme en parachute quand on a peu d’expérience : on contrôle mal l’endroit où l’on atterrit » : l’observateur doit aussi s’observer dans son observation !   

2. Réfléchir l’organisation de sa structure : penser ensemble unité et diversité ? L’organisation de la Direction Technique Nationale à partir de familles de processus métier conduit à distinguer classiquement trois secteurs : le sport de haut niveau – la formation – le développement. Cette structuration verticale de l’organisation type 1.0 coïncide avec la division/spécialisation de la connaissance/compétence et de fait la priorité est alors donnée à l'optimisation « locale » de chaque métier en fonction des enjeux de la fédération. L’articulation et la coordination entre les processus métiers apparait alors simple (regroupement des acteurs par processus) et transparente pour le manager puisqu’elle est assurée à la fois par l’organigramme hiérarchique et par des rapports de type « taylorien » entre métiers et en particulier, entre ce qu'ils peuvent - à priori - espérer les uns et les autres comme coordination et cohérence issues de leur « cœur de métier » (cf. séminaire 4). Cette configuration en silo qualifiée de bureaucratie professionnelle par Mintzberg (1995) produit des figures archétypales (DTN, Directeur Général, CTR, Entraineur national, …) qui tendent à morceler les compétences, à différencier plutôt qu’à réunir, et pose la question du fonctionnement systémique de la fédération pour répondre aux demandes de ses « clients ». Les contextes et cultures fédérales – 350 disciplines et sous disciplines sportives - le niveau territorial permettent parfois une segmentation plus « horizontale » et singulière dans laquelle les structures sont construites autour des processus (par exemple, les Equipes Techniques Régionales) en passant d’une répartition des tâches par service à la constitution d’équipes multifonctionnelles, plus autonomes et centrées résultat.

Vers une organisation agile et un management 2.0 ? La nécessité de recourir à un management plus agile des projets et des activités ne fait pas l’ombre d’un doute dans des environnements faits de contraintes de performance, de besoin d’innovation, de multiplicité des parties prenantes, de complexité, d’incertitude,… Dans l’étude 2008 « Analyse de l’activité du Directeur Technique National et de la Direction Technique Nationale » - partie 4.1 du rapport - nous avons décrit trois modes d’organisation préférentielle de la direction technique nationale : d’une conception hiérarchique et descendante à une conception centraliste - d’une conception centraliste à une conception transversale et partagée - d’une conception transversale et partagée à une conception des systèmes ouverts dans lesquels l’organisation « en réseau » essaient de mixer de façon plus dynamique la structuration statique verticale, en formant des groupes multi-métiers selon les projets. Ces réseaux dans le travail sont des ensembles partiellement mouvants d’interactions - par exemple, des entités de travail momentanément pertinentes  pour développer une opportunité - différents en ce sens de la structuration de l’organisation : ils constituent des formes de coordination distribuée et « floue » vis-à-vis de celle-ci. La formation TMS s’est donc intéressée à l’agilité organisationnelle, un concept en phase avec les problématiques rencontrées par les organisations faisant face à un environnement « deeply ill structured », constitué de « wicked problems » (cf. ci contre). Définie comme une capacité de reconfiguration organisationnelle permettant d’exploiter les opportunités offertes par le changement, l’agilité fait l’objet d’une véritable capacité organisationnelle à transformer le management d’un mode centralisé et planifié vers un mode décentralisé et réactif. C’est pourquoi, nous avons insisté pour que les processus soient décrits et formalisés car à chaque fois que l'on formalise/cartographie - avec la granularité ad hoc - un processus métier avec ses acteurs on découvre comment il fonctionne réellement, comment il est mis en œuvre au quotidien (cf. les documents modélisation/simulation). C’est ainsi que - le plus souvent - cet exercice de réflexivité collective et/ou individuelle permet de découvrir des premières pistes d'optimisation (cf. les textes sur l’analyse de l’activité).

3. Le rôle managérial du DTN consiste à comprendre, orienter et coordonner les divers acteurs de « la DTN » afin de les amener vers la résolution d'enjeux collectifs en prenant en compte ensemble les dimensions humaines, économiques, organisationnelles, technologiques, politiques et sociétales qui entourent les choix d’action. Ce travail d’intelligence collective au sein de la DTN se caractérise par des porteurs de projets - i) qui créent des dynamiques dans des communautés de pratique qu'ils constituent dans un environnement distribué et dans une dynamique d'échelle temporelle diversifiée - ii) avec des risques anticipés à chaque action - iii) dans une organisation qui apprend en faisant et fabrique des normativités intermédiaires pour anticiper l'avenir en gérant le quotidien (Fleurance et Pérez, 2009). L’essentiel de l’activité consiste en un travail de reliance qu’Engeström (2008) nomme « knotworking ». Nous relevons ainsi la part croissante des interactions/relations humaines dans la communication du projet de/dans la DTN ce qui est d’ailleurs au cœur des mutations du travail contemporain de type 2.0.

Les managers doivent agencer/subir un nombre croissant de canaux et de dispositifs de communication, en face en face et à distance, de manière synchrone et asynchrone. Ces phénomènes suscitent à la fois des formes de fragmentation de l’activité ainsi qu'une multiactivité, par laquelle les DTN s'engagent simultanément dans des contextes hétérogènes d’action et d’interaction. Cette multiactivité entraine une surcharge cognitive qui induit des risques de tous ordres (professionnel, personnel, psychologique, …) et qui appelle une large réflexion sur les pratiques mises en œuvre pour gérer ces situations. Les nouvelles formes sociétales de communication (cf. Jean Paul Gaillard ci-contre) accentuent ce défi en exigeant des organisations, de nouvelles formes de collaboration, difficile à atteindre avec des méthodes traditionnelles descendantes. Les outils 2.0 (messagerie instantanée, visioconférence, blog, réseau social, …) au service d'un mode de travail différent, permettent de matérialiser et d'implémenter des pratiques collaboratives certes, mais leur usage modifie le temps du travail qui devient « anywhere, anytime » : ceci appelle le DTN et ses collaborateurs à formaliser les processus de transmission d'informations (préciser les rôles, les interfaces, les formats, les temps opportuns, …). Le DTN est alors confronté à ce nouveau dilemme : la communication devient de plus en plus nécessaire/projet/actions mais c’est un processus qui prend du temps … et le temps est une ressource rare de l'organisation et de ses acteurs.

 

14:37 Écrit par Philippe Fleurance | Lien permanent | Commentaires (0) | |